Entrevue menée par Perrye-Delphine Seraphin

Passionné des arts visuels, l’interprétation et le 7e art, Justice Rutikara est un artiste québécois d’origine rwandaise multidisciplinaire. Durant les dernières années, il fait sa place en tant qu’écrivain et réalisateur talentueux et crée des œuvres montrant la beauté et l’absurdité de l’expérience humaine. Il a été deux fois plutôt qu’un récipiendaire de la bourse VIVACITÉ du Conseil des arts et des lettres du Québec pour ses projets La Cité des Autres (2019) et Au 7e jour (2020).

Ses productions artistiques lui ont aussi valu le Prix de la Relève 2018 à la Course des régions pancanadienne, et une nomination comme Meilleur Réalisateur de l’année au Gala Dynastie 2020.

Lounge Urbain a eu la chance de discuter avec Justice Rutikara pour en apprendre un peu plus sur son parcours, sa vision du cinéma et ses nombreux projets à venir.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire du cinéma? 

Mon souvenir le plus fort, qui me lie avec ma passion au cinéma, me ramène vers l’âge de trois-quatre ans, à mon arrivée au Québec. Je venais d’immigrer du Kenya avec mes parents et mon frère. Je crois avoir rapidement perçu le cinéma comme un moyen de découvrir et de comprendre le nouveau monde dans lequel je venais d’accéder. C’est probablement durant ce jeune âge que ma fascination pour cet art s’est transformée à un désir d’y contribuer et ce, à titre de créateur et d’interprète. Au début, je dirais que les films d’aventure, d’action et fantastiques me faisaient rêver à un tel point que je tentais de trouver un moyen de m’y intégrer d’une manière ou d’une autre. J’ai finalement décidé de créer des histoires visuelles, puis des films pour parvenir à cet objectif.

En réponse à votre court documentaire « Le Muzungu québécois », nous pouvons dire que vous faites du cinéma engagé. Comment les évènements de l’année 2020 ont-ils affecté votre processus créatif?

Comme tout le monde, l’année 2020 était exigeante à plusieurs niveaux. Au niveau créatif cependant, j’ai été choyé par le développement et la production de quelques projets, dont un moyen-métrage documentaire, un court balado de fiction et un court documentaire animé. Malgré les défis, et pour différentes raisons, la production de ces projets n’a pas réellement souffert des mesures pour contrer la pandémie. Bien que leurs processus n’aient pas été simples, je n’ai pas eu à faire beaucoup de sacrifices ou de compromis pour atteindre mes objectifs créatifs.

Donnez-nous les trois mots qui définissent votre vision du cinéma. Pourquoi?

Chaos, harmonie et équilibre. Je crois fermement à un monde idéal dans lequel on parvient à accepter la vie et ceux qui y habitent à travers leurs divergences et leurs similitudes. Je suis souvent contre l’idée d’imposer un idéal homogène, simpliste et bilatéral à tous les individus, car cette pensée néglige habituellement la diversité et le paradoxe d’être un humain dans son entièreté. Nous sommes des individus et des sociétés très complexes et cohérents lorsqu’on prend le temps de mieux se connaître, et j’aime l’idée d’exposer, dans mes films, nos réalités qui font échos à cette idée. Le Muzungu québécois fait notamment allusion à cette vision en traitant du concept des identités raciales blanches et noires qui, selon certaines personnes, me collent supposément bien à la peau.

Avez-vous des projets qui s’en viennent pour l’année 2021?

Présentement, j’ai deux projets qui devront être diffusés cette année et plusieurs autres qui seront soit développés ou produits au courant de cette année.

En février, La Cité des Autres sera accessible à la télé de Radio-Canada et de RDI (et sur le site de Tou.tv). Il s’agit d’un documentaire sur la vie socioculturelle du plus grand HLM de Québec, et ce, vu par quatre jeunes adultes qui ont été autrefois des réfugiés de guerre et qui y développent des projets communautaires axés sur les enfants du secteur. Comme dans le Muzungu québécois, je narre le film tout en partageant mon propre lieu avec ce lieu qui a aussi bercé mon enfance.

Ensuite, mon projet de balado de fiction, La garde forestière, devrait bientôt voir le jour aux côtés de trois autres courts balados du projet collectif de Spira, intitulé La Caméra brisée. Ce balado suit une garde forestière en plein sauvetage périlleux dans une forêt, et dans ses souvenirs qui motivent sa nature héroïque. Nous attendons encore des confirmations quant à la diffusion de ces balados.

Enfin, je continue le développement de mon court documentaire animé sur l’exode de mes parents et moi durant la guerre et les massacres de 1994 à Kigali, au Rwanda, puis je débute l’écriture d’un court-métrage de fiction grâce à la résidence de scénarisation de la bande Sonimage au Saguenay.

Vous pouvez visionner le documentaire « Le Muzungu québécois » mentionné plus haut sur le site de Télé-Québec disponible gratuitement.