C’est en cette belle journée de la fête nationale du Québec que nous avons eu la chance de discuter avec Djely Tapa. À l’occasion de sa prochaine participation au Festival de Jazz de Montréal, nous avons été en mesure de partager sur son héritage et les différents messages qu’elle partage à travers sa musique.

Par la chanson, « Barokan, » nous avons l’impression de voir une volonté de montrer la femme africaine sur un nouvel angle. Est-ce juste et si oui, pourquoi?

Oui, c’est exactement ça. On a tendance à nous décrire comme des femmes qui n’ont pas de droits ou que nos droits sont constamment bafoués. On nous victimise à tout moment. On oublie qu’on est forte. La femme africaine est très souvent marginalisée, mais cette marginalisation ne fait pas partie de notre héritage. La femme noire, en général, est une femme forte, peu importe là où elle est. Elle a aussi toujours été au cœur des décisions du continent. Elle doit apprendre à retourner dans ses souvenirs ou plutôt apprendre son histoire pour qu’elle comprenne qu’elle n’a jamais été marginalisée et que son rôle dans sa communauté a toujours été essentiel.

Le titre de votre dernier est album est : Partir dans le futur avec l’héritage africain. Alors, selon vous, quel est l’héritage africain que vous croyez essentiel pour bâtir le futur?

La fierté et la reconnaissance de qui nous sommes. Je ne peux pas vivre dans le présent sans savoir qui j’ai été dans le passé. Et comment partir dans le futur avec le même pied d’égalité si mon passé est erroné et que le présent est plein de doute? Comment je peux entrevoir mon futur? Soyons fier de qui nous sommes, d’où nous venons et de notre héritage. Apprenons-le à nos enfants et qu’ils puissent hériter de cette fierté. L’estime de soi vient de là. Le problème de la jeunesse black est un problème d’estime de soi. Quand tu ne sais pas qui tu es, c’est difficile d’être fier. C’est cette estime de soi que j’aimerais rehausser. C’est pour cette estime de soi que je me battrais jusqu’à mon dernier souffle.

Artiste griotte, ton héritage joue beaucoup dans ton art. Est-ce que tu peux nous expliquer comment être griotte a influencé ton art?

Un griot a un devoir social, une entente qui a été faite par nos ancêtres. Il doit porter la tradition. Il a le devoir social de maintenir la cohésion, la paix et l’entente dans la société. Et lorsqu’on devient artiste, l’objectif est de prendre cette dimension et de la vulgariser en utilisant la musique, la danse et les contes. C’est dans ce sens qu’être griotte a influencé mon art.

Quelle est l’empreinte que tu voudrais laisser par ta participation au Festival de Jazz de Montréal?

Par ma participation, j’aimerais amener un bout d’espoir. On vit une année très difficile. Difficile, parce qu’il y a beaucoup d’incertitudes et nous ne sommes pas sûrs de la prochaine étape. Il y a quelque chose qui est là, mais qu’on ne maîtrise pas. Notre monde s’écroule tranquillement autour de nous. Comment on va faire pour rester humain, pour rester en vie, malgré les pertes que nous avons eues que ce soient des pertes humaines, des pertes financières ou même des pertes de convictions. On a besoin de chacun d’entre nous. Pour moi, ce festival est un moyen de donner l’espoir parce que je sais que plusieurs se reconnaîtront à travers moi et verront que peu importe les difficultés, on peut continuer à avancer.

Djely Tapa, Révélation Radio Canada 2019-2020, sera en prestation au Festival de Jazz de Montréal 2020 (édition numérique), samedi le 27 juin 2020, à 19h20. Pour visionner la prestation, rendez-vous sur la page Facebook du Festival.

Béatrice Lafortune