Monk E sort un dixième LP le 15 mai prochain. A cette occasion nous l’avons rencontré. Entre graff, hip hop et philosophie lyrique, l’artiste se livre et nous montre ses peintures sur les murs du quartier d’Hochelaga.

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A 32 ans, Monk E semble avoir la sagesse d’un ancien et l’esprit éveillé d’un philosophe. Son art, il le pense depuis de nombreuses années: “J’ai rebaptisé l’art visuel “alchimiographie”. C’est un processus de transformation de quelque chose de mort en quelque chose de vivant par l’art visuel”, explique-t-il en nous conduisant à ses fresques, dans le quartier d’Hochelaga. Depuis tout petit, celui qui dit “venir des étoiles mais être né à Montréal” peint: “Je savais dessiner avant même de parler, c’était mon premier moyen d’expression”, lance-t-il, sa capuche aux motifs tribaux enfoncée sur la tête. Autour de son cou, un grand collier de perle d’inspiration africaine se balance. Ce sont ses voyages qui l’inspirent: Cuba, Mexique, Ouganda, Pérou, Brésil, Kenya, Australie, Europe… “J’aime beaucoup tout ce qui est mystique, ancestral”. Et cela se voit dans ses peintures. Des pyramides sur ses pochettes d’album, des crocodiles gigantesques qui gravitent autour d’un esprit torturé, des cités antiques et disparues, des champignons-méduses dans un ciel violacé…
Éternel vagabond, il ne cache pas pour autant que sa contrée natale, Montréal, “la plus belle ville du monde…de mai à octobre”, l’influence aussi beaucoup. Mais sa muse reste sa femme: “Je la peins beaucoup”. En montrant une grande fresque d’une femme au teint foncé, il ajoute: “Elle est là. C’est un peu Notre Dame de Hochelaga avec un côté glamour et épique qui contraste avec la popularité du quartier”. Tous les murs proches de Sainte-Catherine Est sont la toile de Monk E. Des briques fêlées, des façades vandalisées et une inspiration constante qui va plus loin que l’art visuel.
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L’artiste sort son dixième LP le 15 mai baptisé Esclavage, exode et renaissance. “Ce titre illustre le processus d’émancipation autant physique qu’intellectuel et regroupe trois parties de moi-même. La première, dure et passionnée par les problèmes, la seconde est plus introspective et méditative, la dernière célèbre la gratitude”, explique-t-il. Trop accroché à sa liberté, l’artiste ne cherche toujours pas de label et a décidé de mettre son album en prix libre. Pourquoi? “Pourquoi pas? J’ai le privilège de distribuer ma musique gratuitement en gardant la capacité de me nourrir”. Toujours illustré par l’un de ses dessin, l’album comportera des titres anglais, français, espagnols et même créoles. “Je suis aussi très content d’une collaboration avec Kendrick Lamar”, ajoute l’artiste.

L’Afrique à nouveau, tient une place importante: “En général, on se doit tous d’avoir des attaches envers ce continent quand on sait d’où vient. L’Afrique m’inspire la gratitude justement car elle y est toujours présente. Là-bas, la vie ne tient qu’à un fil dans certains endroit et chaque moment de la vie a une valeur forte”. La quête de Monk E s’avère ambitieuse: “Le but de mon travail, c’est d’ouvrir le dialogue pour comprendre la perspective des autres et de donner un peu d’espoir. Je ne suis pas optimiste, mais mon art si. J’ai besoin de la peinture et de la musique, ce sont des choses réconfortantes”.

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Delphine Jung

Son site: Monk E
Sa playlist du moment: Chronix, Eman & Vlooper, Kendrick Lamar