Après six ans de travail, Yves Christian Fournier, réalisateur, et Jean-Hervé Désiré, scénariste, sortent leur film, Noir, le 10 avril. Tourné dans les quartiers du nord de Montréal, ce long métrage retrace des tranches de vie de quatre personnages, des destins croisés: Kadhafi, ex membre de gang tout juste sorti de prison qui essaye de se remettre sur les rails, Fleur, jeune maman qui vit une relation difficile avec le père de sa fille et rêve d’une vie meilleure, Suzie, danseuse de 20 ans qui tombe amoureuse d’un gangster et Dickens, jeune de 16 ans qui rêve de marcher sur les traces de son frère aîné, chef de gang. “Je voulais éveiller la compassion pour ces deux mondes qui s’ignorent (les noirs d’un côté, les blancs de l’autre, NDLR)”, explique Yves Christian Fournier. Kémy St-Eloi, l’acteur qui incarne Dickens, ajoute: “J’ai été séduit par le scénario qui s’écarte de ce que l’on a l’habitude de voir. C’est très coloré, et cette diversité était accrocheuse pour moi”.

Désiré, Yves Christian Fournier et Nicole Robert
Jean-Hervé Désiré, Nicole Robert et Yves Christian Fournier

Si les personnages sont très différents, leur galère générale reste la même: un quotidien qui baigne dans la violence, la drogue, la pauvreté, le trafic. Mais elle est mis en scène avec brio. La manière de filmer est superbe, l’œil est aguerri, les plans sont très bien réalisés. Le film n’avait pas pour volonté de redorer l’image des quartiers, et donne une vision brute et poignante d’un quotidien parfois oublié. Le réalisateur termine: “Ce film n’est pas le bout d’une chaîne, au contraire, c’est le début”. Pour autant, sa réalisation n’a pas été sans embûches: “La population du quartier était très excitée à l’idée qu’on réalise un film chez eux, mais il y a plein d’endroits où on n’a pas pu tourner parce que ce que nous filmions était trop proche de la réalité”, déplore à demi-mot le réalisateur. Loin de redonner espoir, Noir questionne le spectateur. “On a nos propres ghettos où on enferme une partie de notre population parce qu’elle n’a pas la même origine ou la même couleur de peau. On fait semblant de faire comme si cela n’existait pas”, poursuit Fournier. Aborder la réalité sans donner des leçons de moral, forcer les consciences à regarder ce qui se passe à quelques mètres de chez eux, la mission est accomplie pour l’équipe.

Delphine Jung

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