Samito est un chanteur, compositeur et musicien né en Mozambique et installé au Canada depuis 2005. 10 années de travail acharné lui ont permis d’obtenir le titre de révélation Radio-Canada 2015-2016. J’ai eu le plaisir de rencontrer cet artiste aux multiples talents dans le cadre de la 29 ième édition du Festival Nuits d’Afrique.

Parcours jusqu’ici

Samito Matsinhe était destiné à faire de la musique. Il vient d’une famille chrétienne, avec un père pasteur anglican, ce qui lui a permis d’être exposé au monde musical dès son plus jeune âge, lors de célébrations et rituels religieux. Dès qu’il a eu 7 ans, ses parents ont décidé de l’envoyer à l’école de musique. Il s’agissait d’une petite école située à Maputo, constituée de professeurs de musique, formés en Russie. Malgré son grand intérêt pour la musique, Samito a abandonné ses cours après 3 ans car il s’est rendu compte que les parents ne faisaient qu’envoyer leurs enfants là-bas pour les occuper à la fin des classes.

Sa passion pour la musique ne l’a pourtant jamais quitté, car à 14 ans il a réalisé qu’il devait en faire sa vocation. Disons qu’il a été pris par un coup de foudre! Le jeune garçon avait de grandes ambitions comme aller en Amérique du Nord pour y faire carrière en musique. Il avait déjà une grande confiance en la possibilité d’atteindre ces objectifs. Il le dit très clairement: «tout ce que j’ai fait à partir de ce moment-là a été conséquent pour réaliser mon rêve». Il s’est donc lancé et a commencé à jouer du clavier pour accompagner divers artistes à Maputo.

Un peu plus tard, âgé de 22 ans le jeune artiste est allé à Cape Town en Afrique du Sud où on produisait beaucoup de musique. Quel meilleur endroit pour commencer à entrer dans le milieu? Parti à l’aventure, Samito s’est donné à fond, et a fait une rencontre capitale, avec Camillo Lombard. Claviériste talentueux, Lombard est devenu un modèle d’inspiration pour le jeune apprenti en musique. Lombard a été une forte influence non seulement au niveau de ses connaissances, mais surtout par son attitude. Étant un touche à tout doté d’un grand coeur, il a beaucoup travaillé avec les jeunes de milieux défavorisés. Il pouvait travailler sur une pièce de jazz et une heure après faire des arrangements musicaux sur une pièce de Céline Dion avec une jeune fille de 15 ans. Samito a été grandement inspiré par cet homme au grand coeur.

2 ans plus tard, Samito a déménagé à Montréal pour y étudier la musique. À ce jeune âge il avait déjà de grandes ambitions, entre autre d’avoir le contrôle sur sa musique, la créer de toute pièce. Il était enthousiaste face à l’apprentissage qu’il pourrait y faire. Par chance, Il a été exposé très tôt au milieu musical et pendant son séjour en Afrique du Sud, il a rencontré des artistes qui avaient des «Home Studios». Il s’est alors dit «Ah c’est comme ça qu’ils font, alors c’est vraiment possible!»

Arrivé à Montréal, il a joué avec beaucoup d’artistes. Il a longtemps été claviériste donc a travaillé à la pige sur la scène de la «World Music». Collaboration avec des groupes marocains, brésiliens, Jjanice+ (qui ne connaît pas Fleur du désert?), Emma Frank, prestations à Kalmunity, Kweku and the Mouvement et bien d’autres encore! Tout ça pendant ses études à McGill! La passion et l’ambition l’ont mené à maximiser les opportunités au détriment de la participation à ses cours. Il était bien conscient que le temps de ses études équivalait au temps qu’il faudrait pour se faire un nom dans le domaine donc il n’y avait pas de temps à perdre!

Toutes ces performances lui ont permis de se former un solide réseau de contacts. Une rencontre fortuite avec Alexandre Bilodeau du groupe Radio Radio lui a ouvert des portes sur un autre monde. Fait intéressant, le producteur et Samito se sont rencontrés à Ottawa alors qu’ils performaient au même spectacle. Après 10 minutes de conversation, échanges de fichiers musicaux ont eu lieu. 8 mois plus tard, le chanteur reçoit un e-mail d’Alexandre qui lui demande son avis sur le nouvel album de Radio Radio. Peu de temps après, il est invité à faire une tournée avec le groupe toutes dépenses payées! Encore plus étonnant, au moment de cette invitation, Samito voulait arrêter les collaborations et se concentrer sur sa propre musique. Comment résister à cette invitation? Personne! Huit mois de tournée avec le groupe a permis de solidifier l’amitié entre les deux artistes, ce qui a aussi permis à Samito de rencontrer Pierre Kwenders. Un tout autre univers s’est alors ouvert à lui. Le chanteur se surprend lui-même en constatant les connections qu’il a pu créer dans le monde musical. Il se demande comment, il y est arrivé. J’imagine que sa détermination, son initiative, son charisme, son humilité et son courage y sont pour quelque chose!

Samito parle de son parcours avec aisance et désinvolture, il le reconnaît lui-même. Il tient à préciser: «je parle de mon parcours comme si ça a été facile mais ces 10 dernières années ont été très difficiles». Il y avait beaucoup de désaccord au sein de sa famille, car ses parents voulaient qu’il étudie en comptabilité et pas en musique. Pendant un certain temps, il a tenté de faire plaisir à ses parents et a commencé un programme d’études pour devenir comptable. Il a évidemment fini par laisser tomber. Quelques jours avant son départ pour le Canada, lors de souper avec ses parents, le jeune homme a discuté avec son père et lui a dit clairement, qu’il n’avait pas le choix de partir, et qu’il voulait partir en paix. Il n’avait pas le choix,il devait réaliser son rêve. Son père lui a finalement avoué qu’il n’était pas si surpris puisque dès l’âge de six ans Samito avait un très grand intérêt pour les leçons de piano de sa grande soeur. Lorsque ses parents allaient la chercher, son petit frère collait ses oreilles à la porte pour entendre es mélodies jouées. Dès le retour à la maison, il se précipitait à l’église pour tenter de rejouer les pièces entendues. Si ce n’est pas la passion ça, je ne sais pas ce que c’est!

Faire parti des Révélations 2015 de Radio-Canada ça fait quoi?

C’est gratifiant après avoir passé 10 années à bucher et à travailler sans arrêt pour atteindre son but. Il y a des longues périodes de découragement, car le téléphone ne sonne pas, on doit se battre pour participer à des prestations sans nécessairement obtenir une réponse immédiate. Il y a environ 4 mois de cela, Samito était enfermé en studio tel un hermite au nom de la création. Maintenant, le téléphone sonne, la boîte de courriels déborde. Les invitations fusent de toute part! Le plus grand avantage de ce titre est d’avoir une plateforme pour diffuser sa musique et son message à plus grande échelle. C’est excitant car ses paroles sont réfléchies, engagées et profondes. Il peut autant parler de sujet complexes que de légèreté qui fait du bien à l’âme. Une belle diversité qui peut rejoindre tout le monde et briser les barrières culturelles.

Toute cette effervescence et attention déstabilise parfois les artistes. Samito semble garder les pieds sur terre et se permet de profiter de toutes les opportunités qui lui sont maintenant offertes. Il apprécie cette période en essayant de maintenir un équilibre, c’est-à-dire profiter de cette visibilité pour travailler encore plus, partager sa musique, performer le plus possible, et se reposer un peu, socialiser et s’amuser. Cet été est déjà le plus agréable comparativement aux deux dernières années. Il sort davantage, ne reste pas enfermé dans son studio…

Sa musique et ses ambitions

Quand je lui ai demandé de me décrire sa musique, il a voulu me la décrire en anglais. Voici l’interprétation de Samito: « I see my music as a bridge between the music that I am and the music that I like. I was born and raised in a port city, so I had the chance to see a lot of people come and go. That really influenced my choice in terms of who I am and the perception I wanted the people to have of me.» Sa mission est de faire en sorte que sa musique puisse rejoindre autant les gens en Amérique du Nord que la population du Mozambique. Ses compositions sont donc réellement un mélange de la musique qu’il a entendue quand il était petit, celle qui était populaire dans les grandes villes comme celle de Michael Jackson, Babyface, Boys II Men, Wu-tang Clan, Snoop Dogg,le R&B, Hip Hop, mais aussi la musique traditionnelle d’Afrique.Tous ces différents styles se retrouvent dans sa musique en une harmonie élaborée et parfois complexe. Ce qui donne un résultat mystique et surprenant!

Que pense t’il de l’étiquette «Musique du Monde» qui lui colle à la peau?

Ce n’est pas ce qui le représente. Musique du Monde c’est un titre pour le tourisme, version National Geographic de la musique. C’est difficile parce qu’il souhaite que sa musique soit nommée différemment mais en même les gens vont nommer la musique comme ils le veulent. Samito fait de son mieux pour retirer cette étiquette et la remplacer par autre chose. La qualité de la musique ainsi que sa présentation devrait parler d’elle-même, sans avoir besoin d’y appliquer une étiquette. Ses collaborations avec Pierre Kwenders, ainsi que son travail personnel ont pour but de casser ces barrières musicales. Notre génération ainsi que les suivantes font tellement partie d’un monde, d’une culture globalisée qu’il ne devrait plus y avoir de cloisons emprisonnant la musique dans des types culturels. On n’a pas encore de terme pour qualifier la nouvelle musique mais c’est excitant. Le fait que l’on puisse s’assoir et débattre à ce sujet prouve que le terme «Musique du Monde» est désuet et ne nous représente plus.

Samito veut casser cette barrière et il souhaite maintenant s’associer à d’autres artistes qui ont la même vision.Cela risque de froisser quelques membres de l’industrie mais c’est important et pour que ça change nous devons en discuter.

Même David Byrne de Talking Heads dit la même chose: «Musique du Monde» a été utilisé pour nommer toute la musique qui ne vient pas de l’Amérique du Nord ou de l’Occident. Il y a toutefois tellement de belle musique, sophistiquée qui se fait ailleurs dans le monde… et très souvent meilleure que celle qui se fait en Amérique du Nord! Ceci prouve que ce n’est qu’un terme qui est encore utilisé par l’industrie mais qui ne nous représente plus. Puisqu’on doit travailler avec l’industrie on accepte le terme mais artistiquement le but est de casser tout ça! Yes we can!(rires)

Performance/ Album

Le 17 juillet 2015 Samito a performé à la Sala Rosa. Excellente performance avec Funk Lion à la guitare, Sylphir Charest à la voix et à la danse, Dj Base, Alain Plante à la batterie ont formé une équipe explosive. Belle énergie, la foule danse. Samito sait parler à son audience, l’amener à participer. Funk Lion nous a fait un solo à la guitare inspiré et épatant! Ils avaient tous l’air de s’amuser follement! En somme un show dont Samito peut être extrêmement fier!

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L’album Xico-xico sort le 2 octobre prochain. Samito a très hâte de sortir l’album et de continuer le processus de création. Il a des idées plein la tête et est impatient de passer à la prochaine étape. Nous autres on attend l’album avec impatience. Un mix d’électro, de musique trad, chanté en anglais, français, portugais, tswa, tinté de negro spiritual, vous pouvez vous attendre un truc hors de l’ordinaire!

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